SURVOL HEBDO 43/2010 - 25 au 31 octobre
La crise politique
* La question de l’amnistie plombe le climat politique à l’approche des échéances électorales. Sobika
note que l’ambiance se tend à nouveau, « chacun avance son schéma ou
ses doléances. […] La venue prochaine de Didier Ratsiraka devrait
ajouter une voix de plus à cette cacophonie politique ». Des voix se
font entendre en faveur du report du référendum et des municipales, y
compris dans le camp du pouvoir et chez les organisateurs de la «
Conférence nationale ». Pety Rakotoniaina, PDS de la commune de
Fianarantsoa, « l’enfant terrible » du Betsileo, en première ligne dans
la chute de Marc Ravalomanana, installé dans ses fonctions par la HAT,
défie Andry Rajoelina en annonçant son intention de se présenter aux
municipales, alors qu’il est sous le coup d’une condamnation non encore
amnistiée. Il est suspecté de se rapprocher de Tantely Andrianarivo et
de vouloir prendre ses distances vis-à-vis du régime. La réconciliation
nationale (qui implique l'amnistie), reste plus que jamais la pierre
d’achoppement pour le règlement de la crise. Pour Fetison Rakoto
Andrianirina, le pardon et la réconciliation restent les préalables à
tout processus de retour à l’ordre constitutionnel.
* Le processus électoral fait l'objet des critiques de Tantely Andrianarivo, Pierrot Rajaonarivelo et Monja Roindefo
(« les 3 mousquetaires »). Les deux premiers mènent une offensive de
charme en province et laissent transparaître leurs ambitions. Ils
demandent le report du calendrier. Le troisième confirme son appel au
boycott du référendum et se montre très critique sur la gestion des
finances publiques et les malversations qui seraient couvertes par la
HAT. Il se défend de toute implication dans l’affaire du « mercenaire »
Philippe Verdon, qui vient d’être expulsé et que le pouvoir accuse de
tentative de déstabilisation. L’association des maires (AMM) renforce sa
mobilisation contre la tenue des municipales.
* Tantely Andrianarivo hôte à dîner de l’ambassadeur de France.
Il a été reçu en compagnie de plusieurs ambassadeurs occidentaux, de
représentants du système des Nations Unies et de la Banque mondiale. Un «
examen de passage réussi » pour LOI. L’ancien Premier ministre de
Didier Ratsiraka, rentré récemment d’exil, est visiblement perçu par la
France comme une personnalité crédible qui pourrait avoir un rôle à
jouer dans un proche avenir. « Est-il le joker de la France ? »,
s’interroge La Gazette.
* Le président de la HAT obtient le soutien moral du père Pedro.
Le centre Akamasoa est l’un des bénéficiaires du « Tsena mora » [ventes
de PPN à prix bradés]. Andry Rajoelina déclare : « Je suis Andry, votre
pilier et ami. Et vous, vous êtes mes compagnons ». En retour, le
prêtre déclare : « Nous soutenons celui qui nous appuie et qui nous
aime. […] Nous allons informer le monde que nous collaborons avec le
gouvernement », promet-t-il à un régime en mal de reconnaissance.
* Les membres du Parlement de la Transition réclament des indemnités exorbitantes. La
presse s’étend sur les marchandages en cours entre les membres des deux
institutions et le gouvernement. Des discussions qui ont accaparé
l’attention une bonne partie de la session qui s’achève. L’Express écrit
« Le moins que l'on puisse dire est que les actuels locataires des deux
Chambres ne doutent de rien, financièrement et matériellement. Les
chiffres avancés, même justifiés, sont élevés par rapport à la
conjoncture ». Les prétentions des parlementaires font notamment
référence aux émoluments qui étaient ceux de la HAT dont ils ont pris la
succession.
* L’un des avocats de Marc Ravalomanana élu comme bâtonnier de l’Ordre.
Me Radson Solo remplace le bâtonnier sortant, Me Hery Rakotomanana,
l'actuel président de la CENI. Le nouveau bâtonnier entend poursuivre
les projets de son prédécesseur, avec un élargissement des partenariats
entre l'Ordre et les associations d'avocats à l'étranger. [Me Radson
Solo est le chef de file du pool d’avocats de Marc Ravalomanana, qui
s’est distingué en portant les affaires du groupe Tiko, qui se dit
spolié par le nouveau régime, devant la justice internationale].
* Des personnalités proches de la HAT commencent à admettre qu’il est nécessaire de reprendre des négociations élargies pour
éviter des affrontements et l’aggravation de la crise. C’est le cas
notamment du Pr Alain Tehindrazanarivelo, ancien ministre de la Santé,
qui se montre également critique par rapport à l’élaboration du projet
de Constitution, qu’il juge « bâclée ». Roland Ratsiraka, vice-président
de la HAT, refuse en revanche de retourner à la table des négociations.
Des représentants de la CNOSC ont tenté en vain de l’en convaincre. Des
contacts discrets sont en cours entre la CNOSC et les Eglises membres
du Ffkm pour tenter de les réintroduire dans la future médiation.
* Le général Noël Rakotonandrasana, ancien ministre des Forces armées, se déclare prêt à diriger une transition militaire
si ses frères d’armes le lui demandent. Il revendique le droit de faire
part de ses opinions personnelles sur les sujets politiques, étant « un
citoyen comme un autre », et il ne se prive pas de faire des reproches à
la HAT sur la mise en place du Parlement de la Transition, le projet de
Constitution et l’opération « Tsena mora ». Un franc parlé qui serait,
pour certains, le signe avant-coureur de reclassements politiques qui se
dessinent depuis l’annonce du retour de Didier Ratsiraka (lequel
conserve de solides appuis dans l’armée), l'offensive - concertée ou non
- des « 3 mousquetaires » dans les provinces et les récentes
déclarations de Raymond Ranjeva en faveur d’une nouvelle transition
neutre et forte dont il prendrait la tête. La nouvelle médiation en
préparation sous l’égide de la CNOSC pourrait mettre en œuvre une
approche inclusive novatrice qui s’affranchirait partiellement de
l’approche « mouvances », dont on s’accorde désormais à considérer
qu’elle a conduit à l’impasse politique.
* La hiérarchie militaire en appelle une nouvelle fois à l’unité des Forces armées. Elle
dénonce l’existence d'initiatives visant à déstabiliser la Grande
muette. « Nous sommes les derniers remparts. Personne n’a intérêt à
diviser l’Armée, comme personne n’a intérêt pour un coup d’Etat »,
déclare le ministre Lucien André Rakotoarimasy, appuyé par son collègue
de la gendarmerie.
* Le colonel Randrianjafy et ses hommes, incarcérés après les événements du 20 mai à la Fign, entament une grève de la faim.
Ils mettent en doute l’indépendance de la Justice appelée à statuer sur
leur sort. Le commandant Andriamanantena Willem, le dernier des
officiers recherchés dans le cadre de la mutinerie, s’est rendu à la
gendarmerie et a été incarcéré.
* Mgr Odon Razanakolona, archevêque d’Antananarivo n’a pas été nommé cardinal.
Certains médias font de cet « oubli » une lecture politique, à la
lumière des évènements politiques qui ont marqué l’année 2009 et qui ont
fortement ébranlé le Conseil œcuménique des Eglises (Ffkm).
* Tensions sociales persistantes dans la magistrature et l’enseignement supérieur.
L’ultimatum des magistrats est arrivé à échéance. Le syndicat des
enseignants-chercheurs radicalise son mouvement, compromettant le
déroulement des examens et la prochaine rentrée universitaire.
* Le Sommet de la Francophonie ne semble pas convaincu par la feuille de route d’Andry Rajoelina. Les
chefs d’État et de gouvernement insistent sur la nécessité de favoriser
« un dialogue ouvert à tous ». Leur déclaration finale s’adresse « à
l’ensemble des acteurs malgaches » ; il leur est demandé de rechercher
le consensus pour organiser des élections « libres, fiables et
transparentes, acceptées par toutes les parties et soutenues par la
communauté internationale ». Maurice a demandé une approche plus
proactive et a rappelé que son pays est défavorable à toute sanction.
Les organisations civiles malgaches seront invitées à Maurice par la
COI. Dans son intervention, Nicolas Sarkozy semble s’être prononcé en
revanche en faveur du processus électoral en cours.
Droits humains, gouvernance
* Les agences spécialisées des Nations Unies préoccupées par la détérioration du système de santé et des services sociaux de base.
Elles déplorent « la réduction de 20 à 30% du budget affecté au secteur
Santé par rapport au budget initial ». La fourniture de médicaments de
base et de vaccins risque de ne plus être convenablement assurée. La
mortalité maternelle et infantile est en hausse.
* Scolarisation des enfants : un taux d’exclusion en hausse de 35% dans la capitale.
Les données recueillies auprès de l’Education nationale (CISCO) font
état, pour l’année scolaire 2009-2010, d’un taux d’accès en 1ère année
de primaire de 83,07% et d’un taux d’accès en classe de 6ème de 33,74%.
La Plate-forme société civile pour l’enfance (PFSCE) mène depuis 2008
des études sur les facteurs d’exclusion scolaire à Antananarivo.
* Indice 2010 de perception de la corruption de Transparency International : le recul est accablant pour Madagascar depuis
2 ans. La Grande Ile se classe 123ème sur 178 pays alors qu’en 2009
elle se situait au 99ème sur 180 pays. Entre 2008 et 2010, la note a
chuté de 3,4 à 2,6.
Actualité économique et sociale
* Le FMI confirme la situation préoccupante et singulière de Madagascar.
Après avoir cru de 7,1% en 2008, le PIB a été négatif en 2009 (-3,7%)
et le sera aussi en 2010 (-2,0%). Le PIB par habitant à quant à lui
chuté encore plus fortement en raison de la pression démographique
(-6,2% en 2009, prévision de -4,5% pour 2010).
* Conjoncture : la situation des industries s'aggrave.
80 % des chefs d’entreprise confirment l'aggravation des impacts de la
crise depuis début 2010. 47 % ont dû recourir à des compressions de
personnel, 21 % envisagent une fermeture et 32 % le chômage technique.
Le syndicat patronal dénonce « la prolifération des importations et
l'absence de mesures incitatives destinées à relever la tête après la
crise ».
* Le trafic de bois de rose durant l’année 2009 a engendré une perte de 52 millions de dollars de devises pour l’Etat.
Cette information a été fournie par la délégation malgache à la 10ème
Conférence internationale sur la biodiversité à Nagoya (Japon).
Officieusement, plus de 35.000 tonnes de bois de rose ont été exportées
en 2009. Selon un rapport de Global Witness and the Environmental
Investigation Agency (EIA), la Chine aurait accueilli 98% des
exportations illégales de bois précieux malgache.
* Un nouveau projet d’exportation d’eau dévoilé.
La commission Environnement du CST, présidée par Sarah Georget
Rabeharisoa (parti Vert), a demandé au ministre de l'Eau de venir
s'expliquer sur un document canadien confidentiel par lequel l'Etat
exprime son intention d'accorder un droit d'accès à la ressource en eau
sur deux rivières du district de Maroantsetra. Ce dossier embarrassant
intervient à un moment où le ministre doit faire face à des
revendications concernant l’approvisionnement en eau de certaines
régions et aux difficultés du programme d’adduction d’eau dans le Sud.
La presse rappelle que les projets dévoilés sous le régime Ravalomanana
avaient eux aussi donné lieu à de vives controverses.
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