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JUSTICE ET DROITS DE L'HOMME A MADAGASCAR (2)
JUSTICE ET DROITS DE L'HOMME A MADAGASCAR (2)
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21 février 2011

FLASH INFO DU 21 FEVRIER - LE RETOUR MANQUE DE MARC RAVALOMANANA

 

 

Le retour manqué de Marc Ravalomanana, savamment orchestré, vire à une démonstration de force pour les partisans des trois mouvances, qui veulent utiliser cette arme pour renégocier la sortie de crise. Simple accident de parcours ou tournant pour la feuille de route ? La visite programmée d’Henri de Raincourt affiche l’appui de la France à la feuille de route de Leonardo Simão.

 Marc Ravalomanana bloqué à l’aéroport de Johannesburg. La compagnie sud-africaine Airlink, invoquant un ordre de l’autorité de l’aviation civile malgache lui a signifié le refus d’embarquer. Une employée de la compagnie lui a montré une lettre de cette instance (un « notam »), déclarant que « M. Ravalomanana est persona non grata à Madagascar. Aussi pour préserver l’ordre public, ne le prenez pas à bord ». Marc Ravalomanana a rétorqué : «« Ce n’est que maintenant que je reçois cette note. Je suis très choqué. Je vais à Madagascar pour la paix et non pas pour faire la guerre. Pourquoi me bloque-t-on ici maintenant ? Des milliers de gens m’attendent à Antananarivo ». Il a ajouté « Ce sont eux qui ont peur, pas moi », ajoutant qu’il allait contacter Joachim Chissano. Un de ses collaborateurs a indiqué que l'ex-président étudiait d'autres possibilités pour se rendre dans la Grande Ile, notamment par avion privé. L’ancien président était accompagné de son épouse, d’un de ses enfants,  et de Guy Rivo Randrianarisoa, porte-parole de sa mouvance. Son avocate a pu embarquer.

 « Marc Ravalomanana viendra, c'est sûr... », pensent ses partisans. « Marre de la Transition ! Nous voulons notre président ! » Des milliers de partisans de Marc Ravalomanana se sont rassemblés en vain devant l'aéroport d'Antananarivo, dans l'espoir d'un hypothétique retour d'exil du président déchu. Les plus motivés sont arrivés aux premières heures de la matinée, pour se retrouver nez-à-nez avec un cordon de policiers bloquant l'accès à l'enceinte de l'aéroport. Le temps passant, plusieurs milliers étaient agglutinés sur près de 5 kilomètres le long de l'avenue menant à l'aéroport. Les manifestants ont redoublé d’efforts pour chanter au fur et à mesure que l’horaire annoncé pour l’arrivée du vol approchait. Ils ont hurlé de joie, chaque fois qu’un aéronef passait au-dessus d’eux. Et c’était la liesse quand le convoi de l’ancien président Albert Zafy s'est faufilé entre les manifestants avant de gagner le parking de l’aéroport. L’enthousiasme des supporters n’a pas baissé d’intensité, malgré l’arrivée du vol en provenance d’Afrique du Sud à l’heure prévue, sans la personne attendue. Rien n’a évolué jusqu’en fin d’après-midi. Constant Raveloson, de la mouvance Ravalomanana, a fait passer la consigne pour une veillée à l’aéroport. Mais la tentative a été contrecarrée par les forces de l’ordre qui ont dispersé la foule. Les milliers de personnes présentes sur les lieux ont formé une longue file pour regagner la capitale à pied ou en voiture. Les éléments des forces de l’ordre les ont suivis pour leur demander de dégager la voie, quitte parfois à utiliser des gaz lacrymogènes. Le Courrier note « qu'il n'y avait eu qu'une petite infime partie des habitants des bas quartiers ainsi que l'absence de gros bras dans la foule qui s’est rendue à l’aéroport, ce qui dément toute injection de fonds dans ce rassemblement », contrairement aux pratiques courantes. « Les diplomates en poste, les médias étrangers étaient donc obligés de constater que la mouvance Ravalomanana a toujours de nombreux partisans, qu'elle demeure incontournable dans ce processus de sortie de crise et que l'objectif de démonstration de force a été atteint ».

 Marc Ravalomanana se tourne vers l’UA. « La communauté internationale, tout spécialement en son sein l’UA qui, lors de son Sommet du 31 janvier 2011 a confirmé les sanctions individuelles décidées le 17 mars 2010 à l’encontre les dirigeants de la HAT, sont invitées instamment à exiger de ces derniers la levée immédiate et sans condition de l’interdiction de retour à Madagascar qui frappe Marc Ravalomanana, sa famille et ses accompagnateurs », a indiqué son porte-parole. Pour la mouvance, une absence de réaction de l’instance africaine signifierait qu’elle l’empêche de « faire valoir son point de vue sur les propositions contenues dans la feuille de route sur laquelle le médiateur international désire obtenir les avis ou les contre-propositions de toutes les parties».

 L’échec de la tentative de retour était-il déjà prévu d’avance par la mouvance Ravalomanana ?, s’interroge Tribune. C’est la question qui se pose, après avoir vu l’absence de dispositif d’accueil préparée par cette mouvance à l’aéroport d’Ivato. En effet, aucune voiture spéciale n’a été aperçue pour accueillir l’ancien président. Serait-il possible que Marc Ravalomanana ait été résigné à son arrestation par l’Emmo/Reg ? Ou est-ce que l’ancien président avait l’intention de se rendre à sa résidence à bord d’une voiture banalisée ? Autant de questions qui restent sans réponse. Le général Richard Ravalomanana a qualifié cette tentative de mise en scène politique réussie, qui intervient dans le cadre du bouclage de la feuille de route de la Sadc. Le porte-parole de la mouvance, Guy Rivo Randrianarisoa, a affirmé que la conséquence immédiate du maintien de l’interdiction d’entrée est d’empêcher son courant de faire valoir son point de vue sur les propositions de ladite feuille de route.

Pour Tribune, « Les responsables de la mouvance Ravalomanana n’avaient pas lésiné sur les effets de théâtralisation. Alors que les journaux du matin avaient déjà annoncé les mesures prises par l’Aviation Civile de Madagascar, et que dès 10 h 30, le scénario semblait plié, aucune annonce en ce sens n’eut lieu, et aucun ordre de dispersion ne fut donné. Ivato et Facebook furent en proie aux rumeurs et se montrèrent largement imperméables au doute : avion privé par ici, arrivée imminente vers telle ou telle heure par là, si « il » n’était pas là, c’était tout comme. Ce n’était d’ailleurs pas complètement faux. La démonstration de force était réussie, avec plusieurs milliers, voire dizaines de milliers de personnes, qui avaient fait le déplacement. Voilà de quoi être en position de force pour tenter de négocier une modification de la feuille de route, ou au moins être en droit de revendiquer un bon nombre de voix dans la CENI ou dans le Parlement de Transition qui aurait à ratifier les lois d’amnistie ».

Simple accident de parcours ou tournant pour la feuille de route ? Pour L’Express, « les mouvances des trois anciens présidents voient dans le retour manqué de Marc Ravalomanana un moyen de pression pour réviser d’une manière profonde la feuille de route proposée par l’équipe de médiation de la Sadc. Les pro-régime tentent de minimiser l’événement et persistent dans la voie empruntée actuellement ». « La présence de nos partisans à Ivato montre que nous restons incontournables dans la résolution de la crise », a commenté Mamy Rakotoarivelo, secrétaire général du Tim et chef de délégation. Un avis partagé par les dirigeants des mouvances des trois anciens présidents, venus à l’aéroport pour témoigner leur solidarité. « Les partisans du régime tentent de tromper l’opinion internationale en soutenant que nous n’existons plus. Avec ce qui s’est passé, la communauté internationale devrait réviser sa position pour ne plus insister sur la feuille de route dans sa forme actuelle qui donne la part belle à Andry Rajoelina », soutient un membre de la délégation de la mouvance Zafy. À entendre Andry Rajoelina, la signature de la feuille de route entre les parties malgaches devrait se faire très rapidement. Henri de Raincourt, ministre français de la Coopération, l’a confirmé au cours de son séjour. Mais les trois mouvances réclament plus de temps pour renégocier. « Nous demandons la révision sur table de la feuille de route. D’ailleurs, l’intitulé des documents transférés par le médiateur Joaquim Chissano évoque une révision numéro Un[1]. Cela suppose une révision numéro Deux », remarque Mamy Rakotoarivelo. « Désormais, il faut que les chefs de file discutent directement entre eux pour accélérer le processus », ajoute-t-il. En décidant de refuser l’entrée sur le territoire national à Marc Ravalomanana, le régime de Transition veut également faire passer un message. Il veut démontrer qu’il détient, d’une manière effective, le pouvoir.

Commentaire de Sobika : « Marc Ravalomanana parait isolé diplomatiquement et on se demande quelle va être la réaction des leaders de la mouvance concernant la signature attendue de la feuille de route. La HAT parait sortie gagnante de ce bras de fer, d'un point de vue politique et diplomatique, mais pour autant elle ne doit pas fermer les yeux et faire comme s'il ne s'était rien passé ce samedi. Il y avait du "vahoaka" ce jour, il ne faut pas l'ignorer ni le mépriser en évitant de l'écouter. […] En effet, ce qui semble important, n'est pas tant que la HAT ait émise un "Notam" pour empêcher sa venue, on pouvait s'y attendre, mais c'est plutôt cette feuille de route révisée émise par Joachim Chissano, qui valide celle précédemment émise par le Dr Simao ! La Sadc a donc pris le parti de valider la feuille de route telle qu'elle a été présenté mais en annexant un petit chapitre consacré à Marc Ravalomanana ».

 La visite programmée d’Henri de Raincourt affiche l’appui de la France à la feuille de route de Leonardo Simão. Le ministre français de la Coopération a rencontré Andry Rajoelina et validé l'application de la feuille de route Chissano/Simão. Le ministre s’est entretenu également avec des partis politiques de toutes tendances. Il a déclaré avoir constaté « un très large consensus qui pourrait se dégager des dernières propositions à la rédaction de la feuille de route ». Le ministre souligne l’inclusivité qui devrait prévaloir dans la feuille de route, mais à sa façon. « Afin que les autorités puissent, dans les mois à venir, se concentrer sur l’organisation et le développement de la vie sociale, économique, culturelle et politique et ce, dans la perspective de trouver une solution acceptée par tout le monde, si possible, ou, à défaut, par le plus grand nombre, marquant la volonté démocratique que nous avons en partage », a-t-il notamment déclaré, en présence de Jean-Marc Châtaigner, ambassadeur de la France. Il a précisé que « la France n’a aucune ambition, ni volonté ni action qui s’apparente à de l’ingérence, mais ne fait pas non plus de l’indifférence », c’est-à-dire selon Henri de Raincourt, « être à la disposition des autorités », et du peuple malgache par extension. Le ministre n’a également touché mot, ni de la candidature d’Andry Rajoelina aux prochaines présidentielles, ni du cas de Marc Ravalomanana, « par respect de la liberté, de l’indépendance et de la souveraineté de Madagascar au peuple malgache». Le ministre a également exprimé la solidarité de la France avec les victimes du cyclone Bingiza et indiqué que la France est disposée à venir en aide aux autorités locales. Enfin, Henri de Raincourt s’est engagé à évoquer à Bruxelles, lors de la réunion des ministres de la Coopération et du développement de l’UE, la question de la suspension de l’aide à Madagascar, et à essayer de convaincre les pays concernés à mettre un terme à cette situation, selon lui contre-productive.

 Leonardo Simão se fait désirer. Son retour est attendu depuis une dizaine de jours. Il était prévu que le médiateur de la Sadc arrive à Antananarivo pour s’entretenir avec le ministre français de la Coopération sur la feuille de route, mais le Dr. Simão a fait faux-bond… Selon certains diplomates, l’arrivée de l’ex-ministre mozambicain a dû être retardée en raison de la persévérance de Marc Ravalomanana à vouloir s’imposer dans la finalisation de la feuille de route. D’autant que sa mouvance est venue en masse à l’aéroport d’Ivato, risquant de perturber le débarquement de l’émissaire.

 


 

[1] Cf Blog Justmad, « articles remarqués » février 2011 - https://storage.canalblog.com/08/20/448497/61993593.pdf

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